Cycle Addictologie - 3/4 - De quoi parle-t-on quand on parle Travail et Addiction : maladie, déviance, dopage pour travailler ou calmer les douleurs ?

Comment agir en prévention collective et concertée

Le terme d’addiction masque deux réalités différentes :

1. La première correspond aux personnes présentant des troubles de l’usage de psychotropes (ou des troubles addictifs sans produit). Prise dans ce sens, l’addiction impacte le travail par ses symptômes et ses représentations, par les interdits et les discriminations qui l’accompagnent. Il y a une disqualification progressive de la parole et des actes des personnes étiquetées « alcooliques » ou « toxicos ». Ils versent dans le monde des « malades », des personnes peu ou pas fiables ou des « irresponsables ».
2. La seconde correspond aux usages régulés, souvent dopants, de psychotropes. Les consommations de médicaments psychotropes, d’alcool, de tabac ou de stupéfiants peuvent paradoxalement entrer dans l’économie productive et les stratégies de santé des agents et des organisations de travail. C’est alors un moyen puissant pour maintenir la performance économique et masquer les déséquilibres entre ressources collectives et défis, les phénomènes d’usure physiques et psychologiques.

Dans les deux cas, agir engage à favoriser les démarches de prévention collectives, intégrées aux pratiques de management et de gestion des ressources humaines, et élaborées à partir de l’analyse conjointe des situations de travail et des aspirations des agents concernés. Il s’agit de donner la parole aux usagers de psychotropes, de manière sécurisée, autant qu’à leur équipe et leur encadrement. Agir nécessite de dépasser les freins et limites à l’analyse du réel en agissant sur l’organisation du travail, les représentations et les pratiques managériales. Il s’agit de pouvoir établir, si ce n’est rétablir, une analyse de la situation comme situation collective (sociale, technique et organisationnelle) et pas individuelle. Agir sur les addictions vise à améliorer les conditions de travail et inversement. Le travail collectif doit offrir une alternative au repli sur soi et à la perte de la capacité d’agir des uns et des autres, usagers de psychotropes et entourage. Aujourd’hui l’addiction et le dopage professionnel font peur et la parole libre et sécurisée reste rare en milieu professionnel.

Directions, encadrants et agents ne sont ni préparés, ni enclins à discuter et à transformer les conditions et l’organisation du travail en lien avec ce que les addictions et le dopage de certains disent du travail de tous, quant bien même les enjeux sont la santé et la performance de tous.